Bisphénol A, enfin le dénouement ? Suite aux diverses demandes de clarification qui lui ont été adressées, la Commission Européenne, à travers sa direction générale de la santé (DG Santé), et en accord avec les directions générales Growth (industrie), Justice et Environnement, a rédigé une feuille de route en novembre dernier intitulée « Proposal for a new measure on bisphenol A (BPA) in food contact materials » (« proposition pour une nouvelle mesure sur le BPA dans les matériaux en contact avec les aliments»).
Voir ici : Feuille de route BPA (en anglais)
Celle-ci reprend le contexte, les objectifs et détermine cinq pistes de travail qui devraient déboucher sur l’adoption d’une mesure avant la fin du premier trimestre 2016.
Objectif de la Commission : aboutir à une position européenne qui traduise l’avis des autorités sanitaires (Efsa) et qui simplifie la vie des industriels aujourd’hui confrontés à plusieurs législations nationales divergentes en Europe sur le BPA. « L’introduction de mesures différentes dans les Etats membres de l’Union Européenne affecte le fonctionnement correct du marché intérieur concernant les matériaux en contact avec les aliments utilisant le BPA, précise le document. Ces divergences génèrent des conditions de concurrence inégale et déloyale au sein de l’UE et sont susceptibles de troubler et de préoccuper les consommateurs sur la présence de BPA dans les matériaux en contact avec les aliments. Tout cela entraîne aussi un cadre réglementaire confus et difficile à suivre pour les exportateurs des pays tiers. »
Les 5 scénarios à l’étude et l’évaluation de la DG Santé :
1 = aucun changement de politique européenne
Cela signifie que les Etats membres de l’UE conserveraient leurs propres lois nationales sur le BPA pour tous les autres matériaux que le plastique (car le plastique, lui, dispose d’un règlement européen). La loi française resterait alors en vigueur avec les aménagements qui lui ont été apportés récemment, suite à la décision du Conseil Constitutionnel.
Au niveau européen, l’autorisation actuelle du BPA dans les matériaux plastiques serait maintenue à la Limite de Migration Spécifique (LMS) actuelle de 0,6 mg/kg. Ce qui ne respecte pas le nouvel avis scientifique de l’Efsa qui a abaissé, début 2015, la Dose Journalière Tolérée (DJT) de BPA*. La LMS devrait aussi être abaissée en conséquence.
EVALUATION DE LA DG SANTE : « Cette option n’est susceptible d’apporter aucun bénéficie tangible, dans la mesure où elle ne respecte pas la nouvelle évaluation des risques de l’Efsa, et ne permet pas d’atteindre une homogénéité dans la manière dont les matériaux plastiques en contact avec les aliments sont actuellement réglementés. […] Cette option serait aussi contre-productive pour une simplification, […], laisserait des charges administratives et pratiques considérables sur l’industrie qui continuera à être confrontée à des législations divergentes dans les Etats membres de l’Union Européenne. »
* DJT abaissée à 4 microgrammes/jour/kg de poids corporel contre 50 microgrammes auparavant.
2 = mesures uniquement pour les matériaux plastiques
Cela consisterait à abaisser la Limite de Migration Spécifique (LMS) pour le BPA uniquement dans les matériaux plastiques en contact avec les aliments.
Cela laisserait toute liberté aux Etats membres de l’UE de conserver ou de promulguer leurs propres législations nationales sur le BPA dans d’autres matériaux (vernis, revêtements).
Pour l’Hexagone, une telle option signifierait que la loi française deviendrait caduque pour les plastiques mais continuerait à s’appliquer pour les emballages métalliques.
EVALUATION DE LA DG SANTE : Cela fournirait à l’industrie des plastiques en contact un ensemble de règles claires et harmonisées pour tous les pays européens, la France y compris. « Cette option ne réglerait pas les problèmes de divergences de législations rencontrées entre les Etats Membres sur les autres matériaux contenant du BPA et étant en contact avec les aliments, à savoir les revêtements et vernis d’emballages métalliques. De quoi continuer à générer des situations de concurrente déloyale entre pays de l’Union Européenne sur les conserves et canettes, par exemple.»
3 = mesures pour les plastiques + les revêtements et les vernis.
Concrètement, cette option consiste à introduire une Limite de Migration Spécifique (LMS) pour le bisphénol A dans les matériaux plastiques en contact avec les aliments mais également dans les revêtements et vernis utilisés dans les conditionnements métalliques et les bouchons à vis. Cette nouvelle LMS serait recalculée sur la base de la Dose Journalière Tolérée mise à jour par l’Efsa en janvier 2015*. Pour les plastiques, cela reviendrait à amender le règlement actuel sur les plastiques (UEn°10/2011) en intégrant cette LMS abaissée.
Pour les vernis et revêtements, cela implique d’écrire un nouveau règlement européen entrant dans le cadre de l’article 5 du règlement CE n° 1935/2004 qui régit les règles générales s’appliquant aux matériaux en contact alimentaire.
EVALUATION DE LA DG SANTE : « Cette option permettrait une simplification significative des règles actuelles, dans la mesure où elle inclurait un ensemble commun de règles sur les deux principales utilisations du BPA dans les matériaux en contact avec les aliments, c’est à dire les plastiques mais également les revêtements et les vernis, tout en réduisant les complications administratives et pratiques actuelles qui s’exercent sur les activités concernées. »
4 = mesure pour les plastiques + les revêtements et vernis + les papiers et cartons
Cela impliquerait d’abaisser la LMS pour le BPA dans les plastiques au contact des aliments et d’en introduire une dans tous les autres matériaux : revêtements, vernis, papiers, cartons, etc. Le gouvernement français serait alors mis en demeure de lever sa loi sur la suspension du BPA dans tous les contenants au contact des aliments.
EVALUATION DE LA DG SANTE : Cela aurait l’avantage d’harmoniser la réglementation sur tous les types de matériaux d’emballages au contact des aliments. Seulement, la Commission Européenne estime d’ores et déjà dans sa feuille de route que « la contribution du papier et du carton (ndlr : notamment recyclés) comme sources de BPA à partir de matériaux en contact avec les aliments est vraisemblablement minime par rapport aux revêtements et aux vernis. Une LMS fixée pour le papier et le carton par la législation européenne entraînerait vraisemblablement une augmentation des coûts pour des bénéfices supplémentaires minimes et disproportionnés. »
5 = Interdiction du BPA dans les matériaux en contact avec les aliments
Cela reviendrait à étendre la position française à l’ensemble de l’Europe. Comme l’indique l’article 18 du règlement CE n°1935/2004, la Commission doit examiner et envisager si une telle action est justifiée et si de tels amendements […] sont nécessaires pour assurer la protection de la santé humaine. Cette option pourrait être limitée aux matériaux dans lesquels le BPA est intentionnellement ajouté, mais elle devrait être évaluée de manière approfondie à la lumière du principe de proportionnalité, dans la mesure où l’Efsa a identifié un niveau de BPA en deçà duquel elle considère l’exposition comme sûre.
EVALUATION DE LA DG SANTE : L’interdiction ne refléterait pas l’avis scientifique actuel de l’Efsa. […] Elle nécessiterait que l’industrie remplace le BPA par des substances dont la fonction serait au moins partiellement inférieure, et qui n’auraient pas été testées selon les mêmes normes. La durée de conservation et la qualité des produits pourraient en être affectées. Cette option ne devrait pas simplifier la situation et entrapinerait une charge administrative et pratique significative pour l’industrie. La mise en œuvre d’une telle option pourrait aussi poser une difficulté significative dans le cas où la présence de BPA proviendrait d’autres sources.
Lien : http://www.processalimentaire.com/
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